NOTES

 

Hugo forme cette litanie d'absurdités en extrayant de Diogène Laërce (Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, dont la traduction de 1840 par Chauffepié figure dans la bibliothèque de Hauteville House) et sans toujours les affecter correctement à leur auteur véritable ni les reproduire exactement, des énoncés qui, dans leur contexte, n'étaient pas toujours dépourvus de bon sens, voire de génie parfois.

 

- Solon: « Solon de Salamine, fils d'Exécestidas, commença par porter les Athéniens à abolir l'usage d'engager son corps et son bien à des gens qui prêtaient à usure. [...] Solon fut le premier qui désigna le trentième du mois par un nom relatif au changement de la lune. » (p. 19 et 24, section SOLON.) Le calendrier athénien combinait un calendrier lunaire et un calendrier solaire par ajoût de jours à certains mois; Solon ne fait que changer leur nom.

 

- Zénon le Stoïcien (de Cition et non d'Elée) n'est connu que par ses disciples. « Les Stoïciens divisent l’âme en huit parties [ou fonctions?] ; car ils regardent comme autant de parties de l'âme les cinq sens, l'organe de la voix et celui de la pensée, qui est l'intelligence elle-même, auxquelles ils joignent la faculté générative [nous dirions la libido]. » (p. 314, section ZENON.)

 

- Antipater de Tarse n'est connu que par ce qu'en écrit Diogène Laërce (VII, Zénon) qui ne lui prête aucune idée particulière sur la division du ciel. Il dit des stoïciens en général: « Voici comme ils conçoivent l'arrangement du monde. lls mettent la terre au milieu, et la font servir de centre; ensuite ils donnent à l'eau, qui est de forme sphérique, le même centre qu'à la terre; de sorte que celle-ci se trouve être placée dans l'eau; après ce dernier élément, vient l'air, qui l'environne comme une sphère. lls posent dans le ciel cinq cercles, dont le premier est le cercle arctique, qu'on voit toujours; le second, le tropique d'été; le troisième, le cercle équinoxial; le quatrième, le tropique d'hiver; le cinquième, le cercle antarctique, qu'on n'aperçoit pas. On appelle ces cercles parallèles, parce qu'ils ne se touchent point l'un l'autre, et qu'ils sont décrits autour du même pôle. Le zodiaque est un cercle oblique, qui, pour ainsi dire, traverse les cercles parallèles. La terre est aussi partagée en cinq zones: en zone septentrionale au-delà du cercle arctique, inhabitable par sa froidure; en zone tempérée; en zone torride, ainsi nommée à cause de sa chaleur, qui la rend inhabitable; en zone tempérée, comme celle qui lui est opposée; et en zone australe, aussi inhabitable pour sa froidure que le sont les deux autres. » (p. 333-334.)

 

- Eudoxe est un des PYTHAGORICIENS. La phrase qui lui est prêtée fait dire le contraire de ce qu'elle dit à celle du livre consacré aux PYRRHONIENS d'où elle est tirée: « Les pyrrhoniens rangent sous dix classes, suivant la différence des objets, leurs raisons d'incertitude sur les apparences qui tombent sous la vue ou sous l'entendement. [...] Leur cinquième raison est prise de l'éducation, des lois, des opinions fabuleuses, des conventions nationales et des opinions dogmatiques [...]. De là vient que ce que les uns estiment juste, les autres le trouvent injuste; et que ce qui paraît un bien à ceux-ci est un mal pour ceux-là. Les Perses croient le mariage d'un père avec sa fille permis; les Grecs en ont horreur. [...] Les Egyptiens embaument leurs morts, les Romains les brûlent, les Paeoniens les jettent dans les étangs: nouveau sujet de suspendre son jugement sur la vérité. » (p. 430.)

 

-Lysis de Tarente. Le nom de Lysis (au masculin car il y a aussi une dame Lysis) apparaît ainsi dans le récit de la fin tragique de PYTHAGORE: « Ils ajoutent qu'ensuite il fut égorgé par ceux qui le poursuivaient; que plusieurs de ses amis, au nombre d'environ quarante, périrent dans cette occasion; qu'il y en eut fort peu qui se sauvèrent, entre autres Archytas de Tarente et Lysis [...]. » (p. 372.) La définition de la vue comme vapeur chaude fait partie de l'analyse du développement de l'embryon par les Pythagoriciens: « [Ils disent] que la semence est une distillation du cerveau, laquelle contient une vapeur chaude; que lorsqu'elle est portée dans la matrice, les matières grossières et le sang, qui viennent du cerveau, forment les chairs, les nerfs, les os, le poil et tout le corps, mais que la vapeur qui accompagne ces matières constitue l'ame et les sens; que le premier assemblage des parties du corps se fait dans l'espace de quarante jours, et qu'après que, suivant des règles de proportion, l'enfant a acquis son parfait accroissement en sept ou neuf, ou au plus tard en dix mois, il vient au monde; qu'il a en lui-même les principes de vie, qu'il reçoit joints ensemble, et dont chacun se développe dans un temps marqué, selon des règles harmoniques; que les sens sont en général une vapeur extrêmement chaude, et la vue en particulier, ce qui fait qu'elle pénètre dans l'air et dans l'eau [...]. » (p. 366-367.)

 

- Cebès. Son nom apparaît dans le livre II consacré aux Socratiques, entre Simmias et Ménédème, de la manière suivante: « Cébès, autre philosophe de Thèbes, a écrit trois dialogues, intitulés la table, la semaine, et le phrynicus. » L'énoncé qui lui est prêté revient à PLATON: « Il croyait encore qu'y ayant deux sortes de causes, il y a des choses qui se font avec délibération et d'autres qui se font par des raisons de nécessité; il mettait dans ce nombre l'air, le feu, la terre et l'eau, qui, à proprement parler, n'étaient point des éléments, mais étaient propres à le devenir, étant composés de triangles joints dans lesquels ils se résolvent; il suppose que le principe des éléments est le triangle oblong et le triangle isocèle. » (p. 144.)

 

- Ménédème. Cité au nombre des Socratiques, il est l'objet d'une section particulière dans celle des CYNIQUES. Son chapeau arcadien ne donne lieu à aucune spéculation : « Hippobote dit que son goût pour les prodiges l'avait rendu si extravagant, que, sous la figure d'une furie, il se promenait, en criant qu'il était venu des enfers pour observer ceux qui faisaient mal, et pour en faire rapport aux démons à son retour dans ces lieux. Voici dans quel équipage il se montrait en public: il se revêtait d'une robe de couleur foncée, laquelle lui descendait jusqu'aux talons et qu'il liait d'une ceinture rouge; il se couvrait la tête d'un chapeau arcadien, où étaient représentés les douze signes du zodiaque, et sa chaussure ressemblait au cothurne tragique. ll portait une longue barbe, et tenait à la main une baguette de bois de frêne. » (p. 265.)

 

- Platon: Les circonstances où il est prononcé rendent l'aphorisme douteux ou ironique. Il vient dans le récit initial de la vie de Platon: « Après cela il fut voir les prêtres d'Egypte, et on dit qu'il fit ce voyage avec Euripide, et que, pendant leur séjour dans ce pays, Platon tomba malade, qu'il fut guéri par les prêtres d'Égypte, qui le lavèrent d'eau de mer; ce qui lui donna occasion de dire que la mer lave tous les maux des hommes, et lui fit approuver ce que dit Homère, que tous les Égyptiens sont médecins. » (p. 119.)

 

- Epicure récuse effectivement l'idée que la matière est divisible à l'infini: « Il ne faut pas aussi penser que dans un corps déterminé il y ait une infinité d'atomes, et de toute grandeur. Ainsi, non-seulement on doit rejeter cette divisibilité à l'infini qui s'étend jusqu'aux plus petites parties des corps, ce qui va à tout exténuer, et, en comprenant tous les assemblages de matière, à réduire à rien les choses qui existent; il ne faut pas non plus supposer dans les corps terminés de transposition à l'infini et qui s'étende jusqu'aux plus petites parties, d'autant plus qu'on ne peut guère comprendre comment un corps qu'on supposerait renfermer des atomes à l'infini ou de toute grandeur peut être ensuite supposé avoir une dimension déterminée. De plus, soit qu'on suppose certains atomes infinis dans leur quantité, soit qu'on mette cette infinité dans leurs quantités diverses, cela devra toujours produire une grandeur infinie. Cependant elle a une extrémité dans un corps déterminé; et si on ne peut la considérer à part, on ne peut de même imaginer ce qui suit; de sorte qu'en allant toujours à rebours, il faudra passer par la pensée jusqu'à l'infini. » (p. 467, EPICURE.) On n'étonnerait d'ailleurs pas qu'Epicure à soutenir que la matière est divisible à l'infini.

 

- Aristote. Diogène Laërce, dans son compte rendu de la pensée d'Aristote, lie le cinquième élément et son mouvement circulaire aux choses célestes et, par elles, à l'immatérialité de Dieu et à son inamovibilité: « Aussi bien que Platon, il définissait Dieu un être incorporel; et il étend sa providence jusqu'aux choses célestes. Il dit aussi que Dieu est immobile. Quant aux choses terrestres, il dit qu'elles sont conduites par une sympathie qu'elles ont avec les choses célestes. Et outre les quatre éléments, il en suppose un cinquième dont il dit que les corps célestes sont composés, et dont il prétend que le mouvement est différent du mouvement des autres éléments; car il le fait orbiculaire. » (p. 195-196.)

 

- Epiménide: Hugo transforme en doctrine ce que Diogène Laërce donne pour un fait avéré, inexpliqué et unique. « Au reste, sa réputation se répandit tellement en Grèce qu'on alla jusqu'à le croire particulièrement favorisé du ciel. Dans cette idée, les Athéniens étant affligés de la peste, sur la réponse de l'oracle qu'il fallait purifier la ville, envoyèrent Nicias, fils de Nicérate, en Crète, pour chercher Épiménide et l'amener à Athènes. Il s'embarqua la quarante-sixième olympiade, purifia la ville, et fit cesser la contagion. Il s'y était pris de cette manière. Il choisit des brebis blanches et noires qu'il mena jusqu'au lieu de l'Aréopage, d'où il les laissa aller au hasard, en ordonnant à ceux qui les suivaient de les sacrifier aux divinités des lieux où elles s'arrêteraient. Ainsi cessa la peste; et il est certain que, dans tous les villages d'Athènes, on rencontre encore aujourd'hui des autels sans dédicace, élevés en mémoire de cette expiation. » (p. 49, section EPIMENIDE.)